« On vise les banques, les assureurs, les investisseurs, mais aussi les institutions normatives, donc tout ce qui est régulateurs, décideurs publics, que ce soit au niveau national ou européen, ou encore ce que j’appelle les acteurs cachés de la finance, donc qui contribuent à façonner le comportement de ces acteurs financiers”, expose Lucie Pinson.
Pour atteindre son but, Reclaim Finance poursuit 3 axes. Le premier est celui de couper les financements aux énergies fossiles. Le 2e est de se servir du levier financier pour transformer un secteur, comme celui de l’acier ou encore de l’électricité, afin qu’ils produisent différemment. Enfin, le 3e axe est celui de transformer en profondeur les logiques qui traversent le secteur.
Alors comment forcer des acteurs qui sont naturellement tournés vers le court terme à embrasser un horizon de moyen et de long terme, notamment à travers l’obligation de l’adoption et de la mise en œuvre d’un plan de transition ?
Il s’agit d’encadrer et de contrôler les pratiques des acteurs financiers, ou encore de mener des campagnes, de pointer l’écart entre les promesses ou ce qui devrait être fait et la réalité des pratiques, en mettant par exemple les acteurs du marché en concurrence.
« Le principal risque qu’on met en avant, c’était le risque réputationnel”, explique Lucie Pinson. “La majorité de la population est inquiète des conséquences liées au dérèglement climatique. Il y a donc un risque pour des institutions publiques ou privées de ne pas agir sur cette question-là et d’être au contraire affiché comme l’un des responsables de la catastrophe climatique qui prend de l’ampleur chaque jour”.
Ce risque réputationnel a des impacts économiques et financiers, en termes de perte d’opportunités sur de nouveaux contrats auprès d’investisseurs ou de marchés publics qui sont soumis à des critères de soutenabilité; de perte de clients qui ont décidé de se tourner vers des établissements plus responsables. Ça peut aussi avoir un impact direct sur le cours en bourse.
Reclaim Finance entend aussi lutter contre le greenwashing, “qui nous endort collectivement”, explique Lucie Pinson, en dénonçant les grandes annonces des acteurs financiers qui se disent engagés en matière climatique ou les produits d’épargne et d’investissement faussement verts.
“Le greenwashing est partout, que ce soit au niveau des institutions et bien entendu au niveau des produits d’épargne et d’investissement. La majorité des produits étiquetés comme étant responsables contiennent encore en vérité des entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles. Par exemple, les produits d’assurance vie, les unités de compte ou les produits d’épargne salariale, quand bien même ils sont étiquetés responsables, contiennent des entreprises qui développent des nouveaux champs pétroliers et gaziers dans 70% des cas”, explique Lucie Pinson.
Donc il y a nécessité à réguler pour empêcher ce greenwashing. Ce qui signifie instaurer des règles strictes, procéder à des contrôles des appellations, des grandes déclarations, que les régulateurs aient les moyens de contrôler les pratiques des acteurs financiers et sanctionner si nécessaire.
« Contrôler les appellations, les étiquettes qui sont mises sur les produits d’épargne et d’investissement, c’est essentiel pour ne pas tromper l’épargnant final”, plaide Lucie Pinson. “Mais il va falloir quand même réglementer sur l’ensemble des produits financiers pour garantir le respect de limites planétaires qui, elles, ne sont pas négociables”.