« Le développement durable était, il y a 30 ans, un concept pour des gars qui avaient envie d’aller, avec des catogans, dans le Larzac garder des chèvres. C’est un peu caricatural mais c’était ça », évoque Thierry Sibieude. « Aujourd’hui, ces questions-là constituent des enjeux qui sont reconnus dignes d’intérêt par tous ». Thierry Sibieude n’est jamais allé à la campagne élever des bovidés ou des caprins, mais cela ne l’a pas empêché d’œuvrer à sa manière, depuis ses premiers pas dans la vie active, pour faire reconnaître une autre manière d’appréhender la finance.
Avec un diplôme d’études supérieures en droit et en gestion en poche, il épouse rapidement une carrière de professeur dans l’enseignement supérieur, majoritairement à l’ESSEC, où il exerce jusqu’à 2023. Il créé et fonde la chaire innovation et entreprenariat social, l’incubateur social d’entreprise, le laboratoire dévaluation et de mesure d’impact social, contribue à la création d’une chaire de philanthropie et d’une chaire d’économie circulaire. Il lancé le programme d’égalité des chances pour l’accès à l’enseignement supérieur de jeunes issus de milieux défavorisés. « J’ai eu la chance d’impulser à l’ESSEC tout ce qui était extra financier. Et on a été les premiers à chaque fois », raconte-il fièrement.
Car son parcours professionnel, mais surtout personnel, le fruit de hasards, comme il le présente, lui ont permis d’appréhender d’autres réalités, d’autres expériences. Il créé et fonde une association au service d’enfants et personnes autistes, la Clé pour l’autisme, après le diagnostic de l’un de ses 5 enfants. Il occupe en parallèle de nombreuses fonctions d’élus local. Emerge l’idée que les organisations sociales, les associations, pouvaient être mieux gérées. « On s’aperçoit que ce qui est utile pour une entreprise à but lucratif, du secteur privé, peut être utilement mobilisé pour la gestion d’une association, donc au service de la cause que celle-ci cherche à développer ». Ses fonctions d’élu le sensibilisent au bien collectif, à l’intérêt général, avec une forme de complémentarité entre toutes ces dimensions.
Le financement à impact, la finance durable, c’est tout cela. L’idée que l’on peut, à la fois poursuivre un objectif de rentabilité financière, mais aussi servir une cause, poursuivre des objectifs sociaux et environnementaux. Une notion qui a pris de l’ampleur en 30 ans, portée, notamment, par une réglementation grandissante en faveur de l’incitation des acteurs à mobiliser des fonds vers les projets à impact.
« Mais tout ceci est fragile », rappelle Thierry Sibieude. « On sait qu’il faut entre 5 000 et 7 000 milliards d’euros par an pour financer la transition juste, sociale et environnementale. Quarante pour cent seront apportés par les pouvoirs publics, les 60 autres doivent l’être par la communauté financière privée ». Il s’agit maintenant de savoir comment encourager, inciter, obliger mais pas trop, précise-t-il, ces acteurs de la communauté financière à s’engager sur ces sujets. Ce seront les grands enjeux des années à venir.