“La moyenne d’utilisation d’une voiture est de 5%”, expose Alexandre Jouaville. “C’est à dire que 95% du temps, elle est stationnée, elle ne sert à rien alors que c’est un objet énorme et très coûteux et qui exige beaucoup d’infrastructures. C’est cette première aberration qui a été le point de départ de tous les projets d’autopartage”.
Constat partagé par une soixantaine d’habitantes et d’habitants de Toulouse qui, en 2008, créent une association, qui deviendra rapidement une coopérative d’intérêt collectif, Mobilib, afin d’investir dans l’achat d’une dizaine de voitures. La coopérative, qui porte le projet Citiz en Occitanie, appartient ainsi à ses salariés, clients, partenaires, mais aussi au territoire, aux collectivités, toutes les parties prenantes finalement qui vont participer à la gouvernance et décider ensemble des orientations stratégiques.
Depuis sa création il y a 16 ans, la coopérative a grandi et compte aujourd’hui plus de 250 voitures, partagées par près de 4 300 personnes en Occitanie. Ce sont 2 700 voitures en France et plus de 100 000 utilisateurs.
« L’idée de l’autopartage, c’est de se dire certes « mes trajets sont nécessaires, mais est-ce qu’ils exigent la possession, la privatisation d’un véhicule ?”, interroge Alexandre Jouaville. “Est-ce que se partager les voitures ne serait pas plus souhaitable ? Il faut beaucoup d’énergie pour transformer des ressources en voitures, puis il faut les transporter. Et comme il y en a 40 millions en France, il faut des places de stationnement partout, alors qu’on pourrait faire quand même autre chose de nos rues et de nos villes”.
Aujourd’hui, avec Citiz, il s’agit de repenser les déplacements du quotidien, son domicile-travail, ses courses, amener les enfants à l’école ou aux activités, et par exemple investir dans un vélo électrique ou un abonnement aux transports en commun avec ce qu’on économise lorsqu’on ne possède plus de voiture.
Car la question du pouvoir d’achat est aussi au cœur de l’autopartage. Une voiture ne coûte pas seulement son prix d’achat. Elle nécessite de payer son assurance, son contrôle technique, effectuer ses réparations, son entretien, assurer son stationnement.
« C’est, selon les années et les études, le premier ou le 2e budget des familles, avec le logement, et quasiment personne ne s’en rend compte. Parce que ça a l’air de toutes façons obligatoire, on pense qu’on ne peut pas vivre sans voiture”.
Et l’autre aspect social, c’est qu’il y a toute une partie de la population en France aujourd’hui qui est dans les transports en commun, à pied, à vélo tous les jours, mais pas par choix. Parce qu’ils n’ont pas les moyens d’assumer ce budget voiture, ce qui les restreint dans leurs capacités à se déplacer.
« Et nous, on va pouvoir leur donner cette possibilité, puisqu’on ne va pas imposer, pour s’offrir un week-end, de posséder la voiture à l’année. C’est qu’au lieu d’avoir un budget annuel globalisé, on va avoir un budget au trajet”, explique Alexandre Jouaville.
« Enfin, il y a aussi l’impact sociétal, c’est à dire que nos voitures sont des objets partagés. Notre coopérative est partagée, sans but lucratif. Donc on essaie d’entretenir un esprit de collectif, de respect des uns des autres, de partage, dans une période de l’histoire de notre pays qui en a bien besoin”, conclut Alexandre Jouaville.